Du 'Mauprat' (1837) de George Sand au 'Mauprat' (1926) de Jean Epstein : la transposition visuelle de la tonalité Gothique

Abstract

« Je traite tout scénario comme original, comme m'appartenant depuis le premier moment de la réalisation jusqu'au dernier. J'avais lu Mauprat il y a quinze ans ; je ne l'ai relu que pour corriger mes titres, après l'achèvement du fil ; le sujet du film Mauprat est le souvenir de ma compréhension enthousiaste et très superficielle du romantisme » déclare Jean Epstein dans le magazine 'Pour vous' en octobre 1929. Notre article démontre que cette compréhension enthousiaste du roman par Epstein, telle qu’elle ressort dans son film muet de 1926, est surtout marquée par des images du roman gothique. L’héroïne terrifiée en détresse, le motif de l’emprisonnement, les brigands, le moine lubrique et l’ombre du surnaturel constituent autant de clichés de ce genre anglais, remis à la mode par les surréalistes. Par le biais de l’image, la compréhension ‘très superficielle du romantisme’ que revendique Epstein, met en valeur la forte veine gothique du mouvement romantique français, souvent dédaignée par les critiques. Le roman de George Sand en fait emploi pour avancer ses préoccupations idéologiques concernant le rôle des femmes dans la société de son temps. Cet article analyse l’évolution de la portée du gothique par le processus d’adaptation et par sa mise en images. Quel est le rapport entre l’iconographie gothique d’Epstein et le gothique idéologique de Sand? Comment est-ce que les images du film d’Epstein se rapportent à la dynamique du genre gothique romanesque?