La question de nouveaux genres littéraires dans la littérature française contemporaine

Abstract

On entend souvent parler de la Sainte Triade des genres: la poésie, le récit et le théâtre. Cette trinité, originellement organisée différemment par les Grecs, apparaît à première vue incontestable et bien établie. En effet, ce dogme marque notre esprit dès nos premières classes de l’école, là où les canons organisent la pédagogie. Pourtant, la littérature française contemporaine nous frappe par sa richesse et par sa diversité, de sorte que l’on se rend compte du fait que la réalité, la pratique littéraire, est loin d’être conforme à ces doctrines. Cependant, la confusion ne se trouve pas seulement au niveau exogène mais même au niveau endogène : la théorie des genres est devenue un « télescopage », pour citer Genette , d’une coincidentia oppositorum . D’ailleurs, une définition de cet univers de théories est difficile à déceler puisque les galaxies théoriques s’éloignent les unes des autres mais en même temps se retiennent entre elles grâce à la gravitation, ce qui assure alors leur survivance par leur coexistence. Par contre, l’expansion dans deux directions peut nous éclairer sur le constant accroissement de ce vide infini. Ces deux pôles se manifestent effectivement dans une dichotomie théorique : la notion du genre vue synchroniquement et vue diachroniquement ; autrement dit, les genres comme des concepts fixes dont la conformité implique la valeur littéraire et les genres comme des notions transitoires et temporelles dont la désobéissance ne symbolise pas un échec, mais plutôt une innovation qui ouvre la voie à une évolution générique, ou bien « agénérique » suggérant en revanche une analyse intertextuelle. D’une certaine manière, ces deux approches représentent les deux grandes phases de la théorie des genres avec la dernière présumant d’abord un effacement partiel ou complet de la poétique et ensuite une distinction entre la théorie littéraire pour qui les genres n’ont plus de pertinence et le sens commun pour qui l’organisation littéraire en genres est indispensable. Néanmoins, la remise en question du système générique n’implique pas sa disparition puisque, comme le maintenait déjà Thibaudet, quand une notion rompt avec une autre notion, elle rend service à celle-ci. Or, les genres reviennent sur scène premièrement grâce à une réhabilitation de la rhétorique, deuxièmement avec une nouvelle réflexion sur le système des genres et une création de l’esthétique de la réception.